Intégration dans le sport : être ou ne pas être intégré
Jeudi, Septembre 26, 2019 - 09:00
Cet été, les spectateurs du monde entier ont été témoins des hauts et des bas des athlètes pendant les compétitions des Jeux panaméricains et parapanaméricains. Les Jeux panaméricains ont eu lieu du 26 juillet au 11 août et les Jeux parapanaméricains du 23 août au 1er septembre. Tout comme les Jeux olympiques et paralympiques, les Jeux panaméricains et parapanaméricains se déroulent consécutivement selon un modèle de compétition distinct. Ce modèle contraste avec le modèle intégré pour le sport, adopté par la Fédération des Jeux du Commonwealth (FJC), dans lequel les événements para-sportifs font partie d’un calendrier de compétition unique et les médailles sont incluses dans le nombre de médailles, qui est très important. Ce billet examine les mérites et les pièges de l’intégration et s’il est opportun ou non d’« être ou ne pas être » intégré dans le sport.
Sur les plans social et scolaire, nous supposons généralement que l’intégration des para-sports aux sports pour les personnes sans handicap est le modèle de participation privilégié. Cette préférence est en partie attribuable au fait que le modèle pourrait atténuer les inégalités dans le sport pour les athlètes ayant une déficience physique. Toutefois, cette hypothèse est-elle étayée par la recherche? Nous savons que l’incidence de l’intégration a été prise en compte de multiples points de vue, notamment ceux des administrateurs sportifs, des entraîneurs, des spectateurs du sport et des médias (p. ex. Sorenson et Kahrs, 2006; Howe, 2007; Misener et Molloy, 2018; Smith et Thomas, 2005). Toutefois, le point de vue d’un intervenant important, l’athlète parasportif, ne fait pas partie de ces conversations cruciales sur le sport de haute performance intégré.
La recherche aux Jeux du Commonwealth de 2018
Pour combler cette lacune, et surtout pour comprendre l’expérience et le point de vue des athlètes para-sportifs sur l’intégration dans le sport, nous nous sommes rendus aux Jeux du Commonwealth de 2018 à Gold Coast, en Australie. L’accès quotidien au Village des athlètes nous a permis d’interagir intimement et souvent avec les athlètes para-sportifs pendant les Jeux. En utilisant des méthodes ethnographiques, nous avons interviewé 35 athlètes para-sportifs et observé leur expérience de vie quotidienne dans le Village. Des conversations occasionnelles avec les administrateurs sportifs, les bénévoles des Jeux, le personnel médical et les spectateurs ont également éclairé notre analyse.
Le point de vue de l’athlète para-sportif
Nos résultats confirment que l’intégration est le modèle sportif préféré des non-athlètes. Des 25 non-athlètes qui ont participé à la recherche, l’appui au sport de haute performance intégré a été unanime, confirmant le parti pris social selon lequel l’intégration est le modèle sportif préféré. Cet extrait d’une conversation informelle avec un bénévole des Jeux donne un aperçu des raisons pour lesquelles de telles suppositions sont partagées par les membres du personnel sportif qui ne sont pas des athlètes.
Je pensais simplement que l’intégration était une bonne chose. Je pense que tout le monde le pense. Je n’ai jamais cru que les para-athlètes pourraient penser autrement. (Bénévole des Jeux)
Inversement, au cours des entrevues avec les athlètes para-sportifs, les points de vue sur les mérites de l’intégration étaient mitigés et diversifiés. Les données tirées des entrevues avec les athlètes reflètent une variété d’expériences vécues dans des modèles de sport de haute performance à la fois intégrés et séparés. Notre analyse a indiqué que les athlètes para-sportifs sont divisés quant au mérite et à l’incidence sociale de l’intégration.
Les athlètes en faveur de l’intégration valorisent l’intégration pour des raisons nettement différentes. Par exemple, dans les citations ci-dessous, un athlète para-sportif suggère qu’un modèle intégré favorise les liens entre tous les athlètes, tandis qu’un autre suggère la présence d’un stigmate associé aux jeux séparés.
Nous sommes une unité. Nous appartenons tous à la même famille. Plus nous serons unis comme groupe, mieux nous comprendrons nos réalités et mieux nous nous porterons tous. (Athlète paralympique et des Jeux du Commonwealth)
C’est comme ça que ça devrait être. Aux Jeux du Commonwealth, nous représentons un pays, une équipe. Les athlètes para-sportifs ne sont pas des abominations qui suivent les Jeux olympiques. (Athlète paralympique et des Jeux du Commonwealth)
D’autres athlètes para-sportifs apprécient également le modèle intégré et le modèle distinct pratiqué par l’Organisation sportive panaméricaine et le Comité international paralympique.
J’aime les deux modèles. Les Jeux parapanaméricains ont été ma première expérience et j’ai trouvé ça génial. J’étais si fier de représenter le Canada et j’ai beaucoup appris sur les para-sports. J’aime aussi ce modèle [intégré]. J’ai rencontré des athlètes que je n’aurais pas rencontrés autrement, et ils apprennent à me connaître moi et mon sport, et de mon côté j’apprends à connaître le leur. (Athlète des Jeux parapanaméricains et des Jeux du Commonwealth)
Les athlètes qui n’étaient pas favorables à l’intégration dans le sport ont parlé avec passion des pièges de l’intégration. Plus précisément, les athlètes para-sportifs ont affirmé que l’intégration élimine les possibilités de développement de haute performance pour les athlètes ayant un handicap plus important.
L’intégration n’est pas positive. Les athlètes qui utilisent un fauteuil roulant doivent retirer des chaises de la salle à manger pour s’asseoir à table. La classification élimine les classes pour les athlètes ayant un handicap plus important, comme moi. (Athlète paralympique et des Jeux du Commonwealth)
À chaque édition des Jeux du Commonwealth, différents para-sports sont ajoutés et ensuite abandonnés. Ce n’est pas juste pour les athlètes et cela rend impossible l’atteinte d’une haute performance. Je pense qu’il devrait y avoir des Jeux du Commonwealth para-sportifs pour les para-athlètes seulement, avec tous les para-sportifs. (Athlète paralympique, des Jeux parapanaméricains et des Jeux du Commonwealth)
Conséquences
Les résultats de notre recherche attirent l’attention sur une question très importante. Les non-athlètes, y compris les administrateurs sportifs, les professionnels de la santé et les spectateurs, supposent qu’un modèle intégré est le modèle de compétition préféré. Toutefois, cette hypothèse ne va pas dans le sens des préférences des athlètes para-sportifs. À la lumière de notre recherche, les personnes qui participent à l’administration du sport doivent examiner comment leurs hypothèses positives concernant l’intégration influent sur la façon dont le sport est géré, qu’il soit intégré ou distinct.
Il est nécessaire de faire de futures recherches qui examinent quelles hypothèses influencent la prise de décisions et l’exécution des programmes pour déterminer les mérites et les obstacles associés à chaque modèle de sport. Une recherche poussée qui explique les perspectives multiples et variées de l’athlète para-sportif concernant chaque modèle, y compris le modèle intégré, est fondamentale pour comprendre quand « être ou ne pas être » intégré dans le sport.
À propos de l’auteure
Nancy Quinn est physiothérapeute du sport et compte plus de 20 ans d’expérience dans le sport paralympique. Elle est candidate au doctorat à l’Université Western, où elle fait des recherches sur les liens entre le sport, les handicaps et la médecine. Dans le cadre de sa thèse de doctorat, Mme Quinn a assisté aux Jeux du Commonwealth en 2018 pour examiner l’intégration dans un environnement de haute performance du point de vue de l’athlète para-sportif.
Références
Howe, P.D. (2007). Integration of Paralympic athletes into Athletics Canada, International Journal of Canadian Studies, 35, 134 à 150. https://doi.org/10.7202/040767ar
Misener, L. et Molloy, C. (2018). Organizing and delivering the modern Paralympic Games: Contemporary debates relating to integration and distinction. Dans : Brittain, I., et Beacom, A., (éd.). The Palgrave Handbook of Paralympic Studies. Londres, R.-U., Palgrave Macmillan: 97-219. DOI: 10.1057/978-1-137-47901-3_10.
Smith, A. et N. Thomas (2005). The ‘Inclusion’ of elite athletes with disabilities in the 2002 Manchester Commonwealth Games: An exploratory analysis of British newspaper Coverage. Sport, Education and Society, 10, 49 à 67.
Sorensen, M. et Kahrs, N. (2006). Integration of disability sport in the Norwegian sport organizations: Lessons learned. Adapted Physical Activity Quarterly 23, 184 à 203.