L’UTILISATION DES MÉDIAS SOCIAUX PAR LES ORGANISMES DE SPORT CANADIENS

Jeudi, Octobre 27, 2016 - 02:04

Le Centre de documentation pour le sport (SIRC) est heureux de collaborer avec Sport Canada à la mise en commun des recherches en cours sur des sujets qui contribuent à orienter les politiques et à promouvoir l’élaboration de programmes de sport de grande qualité. Cette semaine, nous vous présentons les points saillants d’une étude sur L’UTILISATION DES MÉDIAS SOCIAUX PAR LES ORGANISMES DE SPORT CANADIENS.

"Birds of a Feather": An Institutional Approach to Canadian National Sport Organizations' Social-Media Use. Naraine, M. L., & Parent, M. M. (2016). International Journal Of Sport Communication, 9(2), 140-162.

Points saillants relevés par le SIRC

Les médias sociaux sont considérés comme étant des outils utiles pour les entreprises et les organisations, qui cherchent à établir des relations avec les consommateurs. Des travaux de recherche antérieurs ont révélé que les organismes de sport à but non lucratif se servaient principalement des médias sociaux comme outils de communication et non de marketing. Reconnaissant la nécessité d’effectuer des recherches dans le domaine des comportements des organismes de sport en matière de communications, la présente étude visait à comparer la présence dans les médias sociaux des organismes nationaux de sport (ONS) canadiens et leurs comportements en matière de communication et à mettre ces éléments en opposition en fonction du contexte dans lequel ils évoluent. Les auteurs utilisent la théorie institutionnelle – plus précisément l’isomorphisme – comme cadre d’analyse, qui constitue une nouvelle approche de la sphère de recherche sur les médias sociaux et le sport. Ce cadre suppose un changement sur le plan de la recherche afin d’aller plus loin que l’examen du contenu diffusé dans les médias sociaux à des fins de marketing ou de gratification des utilisateurs et ainsi en arriver à examiner ce contenu en vue d’expliquer les pressions environnementales ayant une incidence sur la pratique organisationnelle. L’étude a porté spécifiquement sur Twitter à titre de plateforme de médias sociaux visée, et cherchait à déterminer si l’utilisation de Twitter par les ONS différait d’une organisation à une autre, ou si une approche unique constitue la stratégie commune.

Afin de contextualiser le cadre d’analyse, le terme « isomorphisme » renvoie au processus par lequel les organisations qui évoluent dans un milieu similaire en viennent à adopter les mêmes pratiques (homogénéité). Le cadre d’analyse définit trois types de pressions au sein de l’environnement dans lequel évoluent les organisations et qui sont responsables de leur similitude : 1) les pressions coercitives – des entités puissantes (les structures politiques, par exemple) exercent une pression pour que les organisations adoptent des pratiques en particulier, à défaut de quoi elles risquent de faire l’objet de sanctions (ressources limitées, par exemple); 2) les pressions mimétiques – une organisation procède à l’étude de l’environnement afin de repérer les bons coups des autres organisations, ce qui favorise l’adoption des pratiques de ces dernières pour demeurer pertinente; 3) les pressions normatives – le fait de puiser dans le même bassin de ressources pour obtenir des fonds et des connaissances découle de la professionnalisation supervisée par les établissements d’enseignement ou les organismes de réglementation.

Les deux questions de recherche suivantes ont fait l’objet d’une étude grâce à une analyse thématique qualitative exploratoire :

  1. Quels sont les principaux thèmes qui ressortent des communications des ONS dans les médias sociaux?
  2. Quelles sont les ressemblances et les différences entre les ONS sur le plan de l’utilisation des médias sociaux?

Les ONS ont été regroupés selon le nombre d’abonnés sur Twitter, et deux ONS provenant de chacun des quatre groupes ont été choisies de façon aléatoire pour représenter un sport d’hiver et un sport d’été. Ainsi, les huit organisations ayant fait l’objet de l’étude sont Patinage Canada, Tennis Canada, l’Association canadienne de ski acrobatique, Rowing Canada Aviron, Bobsleigh Canada Skeleton, Voile Canada, l’Association canadienne de luge et Escrime Canada.

Points saillants des résultats

  • Les thèmes centraux des communications des ONS sur Twitter comprennent notamment le renvoi aux comptes Twitter d’athlètes de haut niveau, l’affichage des résultats et la promotion des prochaines compétitions.
  • Les similitudes entre les communications des ONS sont à la base des communications sur Twitter et comprennent notamment la promotion d’événements et la présentation de résultats et de renseignements aux abonnés.
  • On a constaté peu de différence entre les ONS concernant les communications sur Twitter. Mentionnons notamment Rowing Canada Aviron, qui présente les conditions météorologiques,  Tennis Canada, qui fait suivre à ses abonnés des reportages sur le sport parus dans les médias, ainsi que l’Association canadienne de luge, qui utilise la connexion à un livre sur la luge pour faire la promotion de ce sport.
  • L’étude a permis de relever que les thèmes de communication étaient uniformes parmi les ONS indépendamment du caractère saisonnier du sport, du nombre d’abonnés sur Twitter, du nombre total de gazouillis et du fait que le contenu des gazouillis soit original ou partagé.
  • On s’attendait à ce que les différences sur le plan de la nature, de la culture, de la sous‑culture et de l’environnement de chacun des sports et de leurs abonnés sur Twitter créent une disparité entre les messages et les tactiques/stratégies de communication, mais l’étude n’a pas permis de le confirmer.
  • L’uniformité des types fondamentaux de communication des ONS confirme les recherches antérieures, lesquelles indiquent que, dans les faits, les ONS n’utilisent pas les médias sociaux pour établir des relations avec les intervenants, mais qu’elles se servent de Twitter principalement comme autre moyen de radiodiffusion à l’instar de leurs sites Web. Les communications des ONS ne présentent pas ce facteur de participation, ce qui est contraire à la nature interactive des médias sociaux.
  • Conformément au cadre de la recherche, les thèmes similaires qui ressortent de l’utilisation des médias sociaux par les ONS révèlent un isomorphisme entre les organisations. Les auteurs se sont penchés sur les pressions à la base de cet isomorphisme malgré les différences entre la « popularité » des ONS et leurs ressources.
    • Pression coercitive : Parce que le soutien financier provient principalement du gouvernement fédéral et qu’il en découle des attentes liées à la participation aux communications en ligne, les ONS risquent de perdre le soutien du gouvernement si elles ne sont pas actives sur les médias sociaux. Par conséquent, les elles se voient contraintes à promouvoir la communication dans les médias sociaux avec un budget limité, ce qui explique en partie les similitudes entre les stratégies de communication des organisations.
    • Pression mimétique : C’est ce qui ressort du fait que les ONS « imitent » les pratiques fructueuses. Les organisations faisant partie des groupes les plus suivis sur Twitter sont généralement plus populaires, font l’objet d’une plus grande couverture dans les médias de masse et obtiennent davantage de commandites du secteur privé; il n’est donc pas surprenant que les autres ONS empruntent leurs tactiques et leurs stratégies de communication pour être perçues comment étant légitimes aux yeux des intervenants. Ainsi, les organisations faisant partie des deux groupes comptant le moins d’abonnés tenteraient de faire aussi bien que les ONS des deux groupes les plus suivis dans les médias sociaux.
    • Pression normative : Le partage des connaissances et des pratiques exemplaires rend inévitable le niveau élevé d’uniformité des pratiques parmi les ONS. En raison de la très grande mobilité des ressources humaines entre les ONS canadiens, les connaissances sont souvent transférées entre les organisations. En l’absence d’un ensemble de pratiques exemplaires consignées par écrit concernant l’utilisation des médias sociaux par les ONS, la pression de se conformer aux exemples fructueux d’autres ONS du milieu est élevée.
  • Les auteurs se demandent pourquoi les ONS moins « populaires » n’essaient pas d’adopter une stratégie unique relative aux médias sociaux afin d’accroître leur portée de diffusion et/ou de gagner en popularité auprès des utilisateurs de Twitter. En adoptant tous la même approche, les ONS ne sont suivis que par un nombre restreint de fervents partisans du sport qu’elles représentent. Si cette stratégie peut convenir aux principaux intervenants, qui souhaitent la diffusion immédiate des résultats et des nouvelles, elle ne permet pas de tirer parti du potentiel de communication considérable des médias sociaux pour joindre un segment démographique plus important. Par exemple, la pratique consistant à d’abord à diriger les abonnés vers les comptes d’athlètes de haut niveau pourrait se retourner contre les organisations puisque les abonnés pourraient se désister au profit de l’athlète en question.
  • Voici des suggestions de stratégies de communication susceptibles d’accroître le nombre d’abonnés :
    • Enrichir les stratégies actuelles mises en œuvre sur Twitter (promotion, présentation et information) à l’aide de références à la culture populaire afin de favoriser les relations sociales entre les ONS et ses abonnés.
    • Faire preuve d’autodérision ou faire référence de façon humoristique au créneau de l’organisation en utilisant des stratégies établies comme #problèmesderiches ou #motivationdulundi, etc. Cela permet également d’amener la conversation ailleurs que sur le seul terrain des organismes de sport et de mobiliser les autres milieux.
  • Les sports qui trouvent peu d’écho et ceux qui ne font pas l’objet d’une importante couverture dans les médias de masse devraient ardemment chercher à mettre en œuvre des stratégies relatives aux médias sociaux à l’extérieur du cadre isomorphique puisqu’elles ne peuvent imiter efficacement les pratiques propres aux ONS ou aux sports professionnels de plus grande importance pour mieux se faire connaître et mobiliser les abonnés.

Même si les ONS et les sports qu’elles représentent sont uniques de par leur nature même, les pressions coercitives, mimétiques et normatives ont contribué à la création d’un environnement conforme pour ce qui est des communications dans les médias sociaux, ce qui explique l’absence de croissance du nombre d’abonnés des ONS qui trouvent peu d’écho auprès de la population. Comme le disent les auteurs, l’étude donne l’occasion aux spécialistes de ce type d’organisations de réfléchir à leurs propres pratiques et à celles d’autres organisations similaires en vue de déterminer si les pratiques utilisées suffisent ou si un changement s’impose. Un changement pourrait permettre d’accroître le nombre d’abonnés, de toucher un plus grand public et d’atteindre les ONS moins « populaires ».

D’autres études pourraient être réalisées dans ce domaine pour examiner les ONS d’autres pays, d’autres niveaux d’organisations sportives (club, organismes communautaires, etc.), ou encore d’autres types d’organismes de sport (sport professionnel, détaillants d’articles de sport, commanditaires, etc.). Les travaux de recherche à venir pourraient aussi chercher à élargir la portée d’autres stratégies relatives aux médias sociaux, différentes des stratégies actuelles, adopter une approche longitudinale pour examiner l’incidence des années olympiques sur les comportements isomorphiques des ONS, ou encore étudier les intervenants gravitant dans les réseaux des médias sociaux des ONS pour déterminer la puissance et l’influence de ces réseaux dynamiques susceptibles d’avoir une incidence sur les pratiques de communication des ONS.