RÔLE DE LA PARTICIPATION À DES ACTIVITÉS SPORTIVES DANS LA PRÉVENTION DE L’INTIMIDATION CHEZ LES ADOLESCENTES AUTOCHTONES

Mercredi, Février 22, 2017 - 09:00

Le Centre de documentation pour le sport (SIRC) est heureux de collaborer avec Sport Canada à la mise en commun des recherches en cours sur des sujets qui contribuent à orienter les politiques et à promouvoir l’élaboration de programmes de sport de grande qualité. Cette semaine, nous vous faisons part des points saillants qui se dégagent d’un article récent relatif à une étude sur l’évaluation du RÔLE DE LA PARTICIPATION À DES ACTIVITÉS SPORTIVES DANS LA PRÉVENTION DE L’INTIMIDATION CHEZ LES ADOLESCENTES AUTOCHTONES.

"Mean mugging": an exploration of young Aboriginal women's experiences of bullying in team sports. Kentel, J. L., McHugh, T. F., & McHugh T, L. F. (2015). Journal of Sport & Exercise Psychology, 37(4), 367-378.

 

Points saillants de la recherche relevés par le SIRC

L’intimidation est un problème préoccupant chez les jeunes partout dans le monde. Plus de la moitié des jeunes affirment avoir subi ou causé de l’intimidation à l’école. La recherche laisse également entendre que les adolescentes subissent un vaste éventail de types d’intimidation et davantage d’effets négatifs qui en découlent, et que les jeunes autochtones peuvent être particulièrement vulnérables à l’intimidation. Au Canada, le taux d’intimidation chez les jeunes autochtones pourrait dépasser la moyenne nationale. Pour que le sport soit perçu comme un moyen de favoriser le développement positif des jeunes, il importe de cerner l’expérience de l’intimidation dans le sport afin qu’elle n’atténue pas l’influence favorable que peut avoir le sport. Alors que les initiations (aussi appelées bizutage) dans le sport ont fait l’objet de recherches, certains ont avancé que les initiations (dont le but est de créer la cohésion au sein du groupe et l’inclusion) et l’intimidation (dont le but est de créer la fragmentation et l’isolement) sont des sujets distincts et que par conséquent, il existe des lacunes dans les recherches sur l’intimidation. Des recherches approfondies ont démontré que les jeunes athlètes féminines sont de 2 à 3 fois plus susceptibles de subir de l’intimidation ou de la victimisation. La présente étude visait à combler en partie les lacunes dans la recherche en examinant l’expérience de l’intimidation chez des adolescentes autochtones dans les sports d’équipe.

Huit joueuses de basketball autochtones âgées de 14 à 18 ans habitant à Edmonton, en Alberta, ont été sélectionnées pour cette étude. Une étude descriptive qualitative a été entreprise et les données ont été recueillies au moyen d’entrevues individuelles semi-structurées et d’entrevues de suivi au téléphone. Une analyse du contenu des données a été effectuée et les constatations ont été réparties en cinq thèmes : 1) l’agression du regard, 2) l’intimidation propre au contexte sportif, 3) le caractère global de l’intimidation, 4) le renforcement de l’esprit d’équipe pour lutter contre l’intimidation, 5) la prévention au moyen de l’intervention active des entraîneurs. Les trois premiers thèmes relatent les expériences des participantes, y compris leurs définitions de l’intimidation et ses manifestations dans le sport. Les deux thèmes suivants font ressortir les stratégies de prévention et d’intervention proposées par les participantes.

L’agression du regard

Malgré la diversité des formes d’intimidation communiquées par les participantes, un but commun de l’intimidation a constamment été cité : faire en sorte que les autres se sentent mal dans leur peau. Le terme utilisé pour représenter ce concept était « l’agression du regard » (mean mugging), c’est-à-dire l’utilisation d’expressions faciales intimidantes pour que la destinataire se sente mal à l’aise. L’agression du regard était utilisée à l’intérieur de l’équipe ainsi qu’à l’encontre des autres équipes. Il s’agit d’un exemple qui démontre que les participantes avaient une compréhension élargie de l’intimidation. Les adolescentes reconnaissaient également que la répétition était une caractéristique de l’intimidation. Elles décrivaient aussi l’intimidation comme le fait de « rabaisser les gens » ou de « blesser les autres sur le plan affectif ». Ces constatations ajoutent à notre compréhension de la signification de l’intimidation dans les sports d’équipe, particulièrement chez les adolescentes autochtones.

L’intimidation propre au contexte sportif

Les expériences d’intimidation qui surviennent précisément dans un contexte sportif illustrent le besoin de contextualiser le concept d’intimidation. Les participantes ont relevé des cas précis de comportements d’intimidation comme l’exclusion de certaines joueuses des matchs ou des entraînements, les injures, la colère dirigée contre une joueuse sur le terrain et la propagation de rumeurs portant sur les compétences et les habiletés d’une joueuse. La liste de ces comportements démontre aux auteurs que les expériences d’intimidation dans le sport sont vastes et bien que certains exemples correspondent aux définitions stéréotypées de l’intimidation, une grande partie des exemples diffèrent des autres contextes parce qu’ils portent sur des comportements liés au sport. Certaines participantes ont précisé que les expériences d’intimidation dans un contexte sportif nuisaient à la participation aux activités sportives.

Le caractère global de l’intimidation

Selon les adolescentes interrogées, l’intimidation est fréquente dans le sport, mais n’est peut-être pas perceptible par tous, même lorsqu’elle se produit. Elles ont également observé que l’intimidation et le comportement sur le terrain affectent une personne à l’extérieur du terrain, dans sa vie quotidienne (maison, école, etc.) et ses relations interpersonnelles. Ces déclarations confirment l’existence d’un effet d’entraînement qu’il faudrait examiner de façon plus approfondie.

Le renforcement de l’esprit d’équipe pour lutter contre l’intimidation

Malgré la fréquence avouée de l’intimidation, les adolescentes autochtones interrogées avaient bon espoir que l’on peut lutter contre l’intimidation dans le sport. Elles ont cité le renforcement de l’esprit d’équipe comme moyen essentiel de diminuer l’intimidation ou de protéger l’équipe contre les répercussions de l’intimidation. Une meilleure connaissance des autres, y compris des attributs et des habiletés de chaque personne en tant qu’athlète, favoriserait un sentiment d’appartenance à l’équipe et diminuerait la probabilité de la survenue de conflits. Les participantes ont également donné des exemples d’activités de renforcement de l’esprit d’équipe (soirées pyjama, manifestations d’appui ou de motivation, campagnes de financement, entraînements et exercices spéciaux, etc.) qui contribueraient à la création de sentiments positifs envers les autres joueuses et l’équipe dans son ensemble. Le renforcement de l’esprit d’équipe est également perçu comme ayant une incidence favorable sur le plaisir de pratiquer un sport. Deux aspects ont été jugés importants pour le renforcement de l’esprit d’équipe : la communication et la nécessité pour les activités de renforcement de l’esprit d’équipe de se dérouler à l’extérieur du contexte sportif immédiat (entraînements et matchs).

La prévention au moyen de l’intervention active des entraîneurs

Les participantes ont décrit l’importance du rôle de l’entraîneur dans la prévention de l’intimidation dans le sport. Elles ont souligné que la présence d’un entraîneur qui promeut activement la communication et prend la peine de connaître chacune des joueuses peut prévenir ou réduire les comportements d’intimidation à cause de sa connaissance des joueuses et du lien créé avec elles. En favorisant un environnement axé sur la communication entre l’entraîneur et les joueuses, ainsi qu’entre les joueuses, un entraîneur proactif crée un environnement accueillant qui encourage l’esprit d’équipe. Les entraîneurs proactifs sont également décrits comme des modèles de comportement car ils fixent les normes du comportement acceptable, en plus d’intervenir si des comportements d’intimidation se produisent.

Limites de l’étude :

  • Certaines participantes ont eu de la difficulté à parler de leur expérience personnelle de l’intimidation et avaient plus de facilité à parler de l’intimidation qu’elles ont observée dans le sport en général.
  • Bien que l’ampleur de la recherche ait été restreinte et que celle-ci remette en question la transférabilité des résultats, les auteurs laissent entendre que la richesse du contenu et des thèmes qui en découlent favorisent la transférabilité des résultats.
  • La méthode de collecte des données au moyen d’entrevues peut être restreinte par la difficulté que pourraient avoir les participantes à trouver les mots pour exprimer leurs expériences. Les auteurs laissent entendre que l’utilisation de méthodes de remplacement pour la collecte des données, telles que la photographie participative, pourrait être un moyen plus convivial de communiquer des expériences.

Suggestions pour les recherches à venir :

  1. Effectuer une recherche plus approfondie pour fournir des observations sur l’intimidation dans le sport en général et chez les jeunes dans les sports d’équipe en particulier.
  2. Obtenir le point de vue des jeunes sur les points forts et les points faibles des définitions publiées ou reconnues de l’intimidation.
  3. Compte tenu des grands changements qui se produisent pendant l’adolescence, la recherche à venir devrait retenir des tranches d’âge plus restreintes pour les enquêtes.
  4. Mesurer l’intimidation qui se produit réellement dans le sport.
  5. Examiner les formes d’intimidation qui ont lieu dans le sport en tenant compte du sexe.
  6. Comment le sexe de l’entraîneur influe-t-il sur la façon dont l’intimidation est perçue et traitée?
  7. Examiner les différences dans l’intimidation selon les groupes ethniques, ce qui permettrait d’examiner des stratégies de prévention et d’intervention qui tiennent compte des différences culturelles.

En général, les constatations de la présente étude reconnaissent l’existence de l’intimidation dans un contexte sportif et la nécessité de lutter contre celle-ci pour favoriser le développement positif des jeunes par le sport. Les résultats démontrent que l’intimidation peut prendre des formes propres au contexte sportif et qu’il existe certains comportements d’intimidation reconnaissables dans le sport. La présente étude sert de point de départ pour approfondir la recherche sur l’intimidation dans un contexte sportif et l’intimidation chez les jeunes autochtones. Elle représente un premier pas crucial pour accroître la sensibilisation à l’existence et à la compréhension de l’intimidation chez les adolescentes autochtones dans le sport et dans le sport en général. Elle souligne l’importance du rôle actif de l’entraîneur et du renforcement de l’esprit d’équipe comme moyens de lutter contre l’intimidation dans les sports d’équipe. Des recherches plus poussées s’imposent.